L’enfant tendit son bras maigre vers la surface des eaux et au bout de ses doigts, elle percevait en transparence des tentacules ensanglantées aux reflets dorés.
“Laisse-toi porter par mes flots jusqu’à la source du fleuve, au sommet. Imprègne-toi de moi…”
Elle réprima un frisson et s’armant de toute sa détermination, arracha encore une fois ses pieds des lianes qui tentaient de la retenir pour entrer dans la boue puis l’eau claire du fleuve.
Lorsque l’eau lui caressa les mollets, elle se tourna vers l’enfant qui avait maintenant son visage, son corps. Pas celui de la jeune fille qu’elle était ici, mais celui de la femme de son autre réalité. La mère. La documentaliste. La sœur. La fille. Seuls les yeux n’étaient pas les siens.
“Laisse-toi porter.”
Entendre sa propre voix, celle qui résonnait habituellement dans sa tête, sortir d’un corps qui n’était pas le sien, lui fit l’effet d’une attaque, violente, qui lui coupa le souffle et la fit trébucher tant et si bien qu’elle se retrouva allongée à la surface de l’eau, entraînée par le flot rapide qui, en dépit de toute logique, roulait en amont.
